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  le blog labrousse.erick par : ERICK

Droit et Devoir de Mémoire deuxième guerre mondiale 1940 1945 LUTTER CONTRE LA RÉHABILITATION DE VICHY OU DE SON ADMINISTRATION DE L ÉTAT FRANÇAIS

HENRI LABROUE L'anti maçon de 1940 dans le parc de la Mairie de Bordeaux

 


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Henri Labroue (1880-1964). Professeur agrégé, ancien député, il avait été initié le 16/05/1904, Compagnon et Maître en 1907, à la Loge Les Droits de l’Homme de Bordeaux, il avait été radié en 1933 par la Loge Etoile du Progrès, pour « défaut de paiement. » de ses cotisations.

Il écrivait à Henri Coston une lettre, datée du 05/01/1942, ou l’on peut lire :

« Battu en 1932 par le Bloc des Gauches et en 1936 par le Front Populaire, j’estimai que le moyen le plus expédient de grignoter le parti radical-socialiste était de développer en Gironde le « Parti radical français ». Par ma Déclaration fédérale de 1937, vous verrez que je disais leur fait aux Francs-Maçons (« groupement occulte »), aux radicaux-socialistes et aux juifs. Dès cette époque, je travaillais à un « Voltaire anti-juif », qui paraîtra sous peu aux Editions Le Pont. Ainsi je me suis dressé contre la Franc-Maçonnerie alors qu’elle était omnipotente, etc. »

Dans une note des services allemands adressée au Dr Knochen, nous pouvons lire :

« Le Conseiller d’Ambassade Dr Achenbach attachait beaucoup de valeur à cette explication parce que dans les divers milieux – d’après ses dires textuels – on entretenait l’opinion ridicule que l’Ambassade d’Allemagne était favorable à la Franc-Maçonnerie. […] L’Ambassade était d’avis qu’un homme, lorsqu’il a une fois appartenu à une Loge franc-maçonnique était préférable à un Jésuite, bien entendu dans le cas seulement où l’intéressé n’avait pas été haut dignitaire de la Franc-Maçonnerie. Dans l’ensemble, il s’apercevait que l’Allemagne des années à venir se préoccuperait de moins en moins de relations confessionnelles. Le développement des évènements en France, au cas où nous éliminerons tous les Francs-Maçons, aurait pour résultat que finalement les cercles cléricaux viendraient à la surface. Après quelques années ou quelques dizaines d’années, il y aurait alors entre la France et l’Allemagne de nouveau un fossé énorme, alors que la France, sous la domination des cléricaux ne pourrait pas se mettre à l’avenir d’accord avec l’Allemagne nouvelle. Telle était la pensée fondamentale pour l’attitude de l’Ambassade vis-à-vis des gens qui avaient antérieurement occupé dans la Franc-Maçonnerie une position insignifiante. »

HENRI LABROUE

Né le 29 août 1880 à Bergerac (Dordogne).

Député de la Gironde de 1914 à 1919 et de 1928 à 1932.

Agrégé d'histoire et de géographie, Henri Labroue était passé par la Sorbonne et l'Ecole pratique des hautes études. Correspondant au Temps et chargé de mission par le ministère de l'Instruction publique, il accomplit de 1907 à 1909 un long voyage d'étude qui le mène d'Amérique du Nord en Extrême-Orient et en Inde. Nommé au lycée de Bordeaux, il s'y consacre de 1909 à 1914 aux cours de préparation à l'Ecole normale supérieure et occupe à la Faculté des lettres une chaire libre créée par la Chambre de commerce de Bordeaux.

Il se présenta à la députation aux élections générales des 26 avril et 10 mai 1914 dans la 6e circonscription de Bordeaux. Il fut élu au second tour par 5.621 voix contre 5.067 à Calmel et 4.009 à Caillebaud (Calmel, avec 3.652 voix, le devançant pourtant au premier tour de 486 voix).

A la Chambre, il s'inscrit au groupe républicain radical et radical-socialiste. Nommé membre de la commission de l'enseignement et des beaux-arts et de la commission des comptes définitifs et des économies, il vote pour le cabinet Viviani constitué le 13 juin 1914.

Lors de la mobilisation, en août 1914, il sert comme sous-lieutenant au 108e de ligne. Promu lieutenant en décembre 1914, il est blessé peu après à Pagny-sur-Meuse et reçoit la Croix de guerre ; il termine la guerre comme capitaine après avoir rempli diverses missions parlementaires aux armées.

De retour à la Chambre des députés, il est membre en 1916 de la commission des décrets et en 1917 de celle des affaires étrangères. Le 13 mai 1916, il passe ses thèses de doctorat ès lettres en Sorbonne sur Le rôle patriotique de la société populaire de Bergerac pendant la Révolution et sur La mission de Lakanal dans la Dordogne en l'an II.

Son activité parlementaire est diverse. Nous en retiendrons trois aspects : - en 1915, lors de la discussion de la proposition de loi tendant à établir le service militaire obligatoire au Sénégal, il s'élève, dans une intervention de haute tenue morale, contre l'argumentation des auteurs de la proposition. La conscription au Sénégal était, selon eux, justifiée par le droit de vote dont jouissaient les Sénégalais. Or, dit Labroue, ce droit est en fait un leurre et, de plus, aucun volontaire ne s'est présenté depuis le début de la guerre dans les bureaux d'engagement. La Chambre des députés n'en vote pas moins le texte qui lui est proposé.

Par deux fois - en 1916 et en 1918- le député de Bordeaux s'élève contre le privilège de la Banque de France et son renouvellement. Enfin, en 1917, il propose de modifier les dispositions réglementant la contribution sur les bénéfices industriels dus à l'état de guerre afin de préserver pendant la paix les possibilités d'investissement des industries françaises dont la puissance serait garante de la grandeur nationale.

Sur le plan purement politique, Labroue se représente à la députation en Gironde, tête de liste républicaine radicale mais il essuie deux échecs consécutifs. Il n'en poursuit pas moins son activité d'avocat à la Cour d'appel de Paris. En 1928, de nouveau candidat républicain radical dans la 7e circonscription de Bordeaux, il devance le député sortant Capus (républicain de gauche-alliance démocratique), obtenant 5.870 voix contre 5.691 et 3.023 à Cabannes (S.F.I.O.). Il l'emporte au second tour avec 7.433 voix contre 5.797 à Capus et 3.232 à Cabannes.

Inscrit au groupe de la gauche radicale - dont il est le vice-président- il est membre de la commission de l'enseignement et des beaux-arts en 1928 et de celle des boissons et enfin du travail en 1929. Son activité parlementaire est, cette fois, tournée plus précisément sur les problèmes locaux, et en particulier viticoles. Il fit en effet adopter comme rapporteur la très importante loi du 4 juillet 1931 sur la viticulture et le commerce des vins. En outre, il est l'auteur d'une proposition de loi tendant à rendre le vote obligatoire et il milite en faveur de la gratuité de l'enseignement secondaire pour les enfants des familles à revenus modestes.

Fidèle soutien des gouvernements représentatifs de la majorité sortie des urnes de 1928, il vote pour la loi monétaire présentée par le président Poincaré le 24 juin 1928. Il contribue par contre, le 25 février 1930, par son intervention talentueuse, à la chute du bref gouvernement Chautemps constitué le 21.

Appartenant à la majorité sortante, Labroue n'est pas réélu en 1932. Quoique arrivé en tête au premier tour avec 7.282 voix contre 5.509 à Cabannes (S.F.I.O.) et 3.509 à Bourdieu, radical-socialiste, il est battu au second tour, n'obtenant que 8.537 voix contre 8.819 à Cabannes.

En 1936, les résultats ne lui sont pas favorables, quoique la marge du second tour soit très faible. Le 26 avril, Cabannes obtient 5.814 voix contre 4.629 à Labroue, 3.249 à Micheau (indépendant) ; 1.466 à Paillé (communiste); 1.033 à d'Eaubonne (radical-socialiste) ; 1.022 à Bourdieu (radical indépendant). Resté seul en face de Cabannes, Labroue n'obtient que 8.916 voix contre 8.938 à son adversaire.

Après son échec de 1932, Henri Labroue s'était inscrit au barreau de Bordeaux et s'était consacré au Cercle de la démocratie locale qu'il présida.

 

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)




Né le 29 août 1880 à Bergerac (Dordogne)
Décédé le 29 août 1964 à Nice (Alpes Maritimes)

Député de la Gironde de 1914 à 1919 et de 1928 à 1932


 

L'ECHEC DU COURS ANTISEMITE D'HENRI LABROUE À LA SORBONNE

(1942-1944)

Claude Singer

Le 15 décembre 1942, un étudiant d'histoire participe à une manifestation organisée pour protester contre le cours inaugural d'un obscur professeur, Henri Labroue, qui vient d'être nommé titulaire d'une chaire d'« Histoire du judaïsme», à la Sorbonne, grâce à l'appui des milieux collabora- tionnistes. Cinquante ans plus tard, ce même étudiant, devenu l'historien Jacques Dupâquier, a organisé, au même endroit, une petite cérémonie commémorant cet acte de résistance intellectuelle. À cette occasion, Claude Singer a retracé le parcours d'Henri Labroue et la brève existence d'un des très rares cours ouvertement antisémites de l'Occupation.

En 1940-1941, les premières mesures frappant les enseignants et les étudiants juifs ont été accueillies avec indifférence par une opinion publique encore traumatisée par la débâcle militaire de l'été 1940 *. Il est clair pourtant que la plupart des Français, récalcitrants à l'idéologie raciste à la veille de la guerre, ne se sont pas métamorphosés subitement, sous l'occupation allemande, en militantsantisémites. D'ailleurs, à mesure que le poids de l'occupation allemande devient plus lourd et que les actes de répression condamnent aussi, aux yeux de l'opinion publique, le choix de la collaboration avec l'Allemagne nazie, les Français critiquent de plus en plus ouvertement le gouvernement du Maréchal. Ils sont aussi de plus en plus nombreux à remettre en question la politique d'exclusion menée à rencontre des juifs. Perceptible à la fin de 1941, cette évolution se confirme en 1942, notamment en juin, au moment de l'obligation du port de l'étoile jaune en zone occupée, en juillet- août, au moment où les grandes rafles se multiplient dans toute la France et aussi, comme nous allons le voir, en décembre 1942, avec l'inauguration d'une chaire d'« Histoire du judaïsme» à la Sorbonne.

L'idée de créer un enseignement raciste à l'Université se fait jour dès l'hiver 1940, mais elle ne parvient à se concrétiser qu'en novembre-décembre 1942, plusieurs mois après le retour de Pierre Laval aux affaires et après la nomination d'Abel Bonnard au ministère de l'Éducation nationale. Les prédécesseurs d'A. Bonnard à ce ministère, le philosophe Jacques Chevalier et l'historien Jérôme Carcopino, avaient en effet tous les deux refusé la création d'une telle chaire: J. Chevalier avait éconduit Claude Vacher de Lapouge (le fils de l'anthropologue Georges Vacher de Lapouge) en décembre 1940 et Carcopino avait agi de la même manière avec H. Labroue qui était venu le solliciter au cours de l'été 1941 1.

Quels sont donc les membres du gouvernement de Vichy qui sont à l'origine de la création d'une chaire d'« Histoire du judaïsme» en novembre 1942? Trois d'entre eux paraissent avoir joué un rôle déterminant dans cette affaire : Louis Darquier de Pellepoix, Pierre Cathala et A. Bonnard.

L. Darquier de Pellepoix, tout d'abord. C'est lui qui, en 1942, est directement à l'origine de la création de cette chaire. Ayant succédé à Xavier Vallat au Commissariat général aux questions juives en avril 1942, il expose publiquement et à différentes reprises, dès mai 1942, son projet de création d'une chaire d'« Histoire du judaïsme contemporain»2. Ce projet est ensuite transmis à Laval avec bienveillance (et insistance) par P. Cathala, secrétaire d'État aux Finances, qui non seulement connaît personnellement L. Darquier et H. Labroue, mais co-signe aussi le décret instituant la chaire d'« Histoire du judaïsme» à la Sorbonne3. Enfin, c'est Bonnard, ministre secrétaire d'État à l'Éducation nationale, connu pour ses déclarations ultra-collaborationnistes, qui attribue, le 12 novembre 1942, la chaire d'« Histoire du judaïsme» à H. Labroue.

 UN PARCOURS IDÉOLOGIQUE SINUEUX

Issu d'une vieille famille de notables poitevins et bergeracois (un de ses parents, Mgr Labroue de Vareille, aurait été évêque — réfractaire - de Gap sous la Révolution), H. Labroue est né à Bergerac (Dordogne) en 1880. C'est un universitaire

1. Archives nationales (AN), W1II-136, doc. 118, et J. Carcopino, Souvenirs de sept ans, Paris, Flammarion, 1953, p. 374- 375.

2. L. Darquier de Pellepoix, dans Le cri du peuple, 18 mai 1942.

3- Décret 3247 du 6 novembre 1942, JO du 14 novembre 1942.

de formation et de filiation. Fils d'un professeur d'histoire au lycée de Bergerac, il a fait une partie de ses études secondaires au lycée de Périgueux où son père a été nommé proviseur, avant d'être admis au prestigieux lycée Lakanal. Brillant élève, admissible (mais non admis) à l'École normale supérieure, il a entrepris des études supérieures à la Sorbonne et à l'École pratique des hautes études, qui débouchent sur l'agrégation d'histoire et de géographie (1905) et un diplôme d'études supérieures de droit (1907). Professeur en classe préparatoire dans différents lycées provinciaux (Limoges, Toulouse, Bordeaux), il a aussi occupé, entre 1909 et 1914, une chaire libre à la Faculté des lettres, chaire relevant de la Chambre de commerce de Bordeaux. En mai 1916, il soutient ses deux thèses de doctorat es lettres en Sorbonne: la première est consacrée au rôle patriotique de la société populaire de Bergerac pendant la Révolution, et la seconde à la mission de Lakanal en Dordogne en l'an II de la République.

À partir de 1914, l'universitaire a cependant opté pour une carrière d'avocat et d'homme politique. Républicain et défenseur de la laïcité, H. Labroue a été attiré par la franc-maçonnerie: en 1904, il est initié à la loge parisienne «Les droits de l'homme». Militant à la Ligue des droits de l'homme, il est élu député à Bordeaux, le 10 mai 1914, avec les voix des électeurs de gauche et s'inscrit donc au groupe républicain radical et radical- socialiste à la Chambre. C'est sous cette étiquette qu'il participe à la Commission de l'enseignement et des beaux-arts, avant d'être mobilisé en août 1914. Blessé sur la Meuse et décoré de la Croix de guerre, ce sous- lieutenant prend rapidement du galon (il termine la guerre capitaine) et on le charge, dans les mois qui suivent, de diverses missions parlementaires aux armées.

À l'issue du conflit, en 1918, de retour à la Chambre des députés, H. Labroue

LE COURS ANTISEMITE D'HENRI LABROUE

essuie deux échecs consécutifs à la deputation et devient alors avocat à la Cour d'appel de Paris. À nouveau candidat en 1928, il est réélu député dans le département de la Gironde, mais après avoir rompu avec la franc-maçonnerie et pris ses distances avec la gauche. Au cours de cette seconde législature, il n'en participe pas moins à une commission de l'enseignement où il défend l'idée d'une gratuité totale de l'enseignement secondaire pour les enfants issus de familles modestes. Par ailleurs, il s'implique dans des questions purement locales et notamment celles concernant la viticulture. Non réélu en 1932 et 1936 face à un candidat SFIO, H. Labroue s'inscrit alors au barreau de Bordeaux et consacre l'essentiel de son énergie au Cercle de la démocratie locale qu'il préside dans cette ville .

Nous n'avons pas trouvé trace dans les archives consultées de déclarations ou d'écrits antisémites de H. Labroue à la veille de l'avènement du régime de Vichy. Pendant l'Occupation, L'Université libre, journal clandestin proche du PCF, généralement très bien renseigné, dénonce avec virulence «l'ignoble H. Labroue ... avocat véreux ayant mangé à tous les râteliers» puisque, avant la guerre, il aurait même participé à l'accueil en France des réfugiés juifs chassés d'Allemange nazie 2. Nous ne pouvons confirmer (ou infirmer) cette dernière affirmation, avancée par des universitaires totalement hostiles à H. Labroue, mais celle-ci paraît d'autant plus crédible que l'itinéraire politique de H. Labroue a été effectivement particulièrement sinueux dans l'entre-deux- guerres. De plus, dans sa jeunesse, loin de dénoncer le rôle néfaste des juifs, H. Labroue a très largement bénéficié de la propagande mis a sa disposition dans les jardins de la mairie de Bordeaux

1. H. Coston, Dictionnaire de la politique française, Paris, La Librairie française, tome 1, 1967, p. 587; J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires français, Paris, PUF, tome 6, p. 2 069- 2 070, et documents du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) aimablement communiqués par Marc Knobel, que je tiens à remercier ici.

2. L'Université libre, 79, 10 mars 1943, p. 3-

leurs largesses en obtenant successivement le prix Rothschild et une bourse accordée par le banquier et philanthrope Albert Kahn. Grâce à ce prix et cette bourse, il a pu visiter, en 1907-1908, toute l'Europe occidentale et faire un tour du monde presque complet: Corée, Mand- chourie, Japon, Chine, Indochine, Canada, États-Unis... Au cours de ces voyages, H. Labroue a étudié «la répercussion des phénomènes religieux sur les phénomènes politiques» et le journal L'Union a même publié, le 25 janvier 1908, un de ses articles consacré à Ellis Island, intitulé «Au pays des déracinés»3. Rien ne laissait donc présumer, avant 1939, les engagements racistes et collaborationnistes de H. Labroue sous l'occupation allemande.

DANS LA TRADITION ANTISÉMITE FRANÇAISE

Aussitôt après la débâcle, H. Labroue s'engage pourtant résolument dans la collaboration et l'antisémitisme: il noue en effet immédiatement des relations étroites avec les occupants. La Propaganda Staffel lui délivre ainsi, dès le 2 octobre 1940, une autorisation pour la publication de son projet de «Voltaire antijuif». De plus, avec le soutien de l'ambassade allemande, il fonde à Bordeaux, en avril 1941, un institut d'études juives qu'il préside, et participe activement à la préparation de l'exposition «Le juif et la France» lors de sa présentation dans sa ville, en avril-mai 1942. À cette occasion, il fait d'ailleurs une conférence où il stigmatise le rôle néfaste des juifs dans toute l'histoire de France. C'est le même rôle qu'il s'efforce de démontrer à coup de citations sorties de leur contexte, la même année, dans son Voltaire antijuif .

Dans ce pamphlet au vitriol, qui bénéficie, comme on l'imagine sans peine, de critiques élogieuses de la part de toute la

presse collaborationniste, il recense sans la moindre nuance toutes les citations antijuives du philosophe afin de démontrer à quel point, selon lui, l'antijudaïsme est une tradition française. C'est cette même idée qu'il va s'employer à développer à la Sorbonne, le 15 décembre 1942 entre 15 et 16 heures dans l'amphithéâtre Michelet, au cours de sa leçon inaugurale. Selon H. Labroue, en adoptant des mesures antijuives, la France ne s'abandonne nullement aux impulsions du vainqueur. En effet, pour lui, l'antijudaïsme n'est pas «un article d'importation: nulle nation dans le monde ne possède une tradition antijuive aussi longue, aussi continue, aussi totale que la nôtre». Et pour étayer sa démonstration, d'invoquer les mesures adoptées à l'encontre des juifs par les Mérovingiens, les Capétiens et leurs légistes ainsi que les écrits ou déclarations antijuives de Bossuet, Voltaire, du conventionnel Louis-Sébastien Mercier, de Napoléon 1er et ses jurisconsultes, de Balzac, des frères Goncourt, de Drumont, de Maurras, de Georges Vacher de Lapouge, des frères Tharaud, de Céline et de quelques autres1. Mais bien qu'H. Labroue s'efforce de mettre en avant la tradition purement française de l'antisémitisme et qu'il reprenne ainsi à son compte les stéréotypes traditionnels de l'antijudaïsme chrétien, il ne peut toutefois s'empêcher, dans son cours inaugural, de se référer aux travaux eugénistes d'Othmar von Ver- schuer, le spécialiste des questions raciales en Allemagne nazie, qui était aussi, comme on le sait aujourd'hui, le responsable hiérarchique des expériences menées à Auschwitz par le Dr. Mengele. Pour se faire une idée plus précise du contenu de la leçon inaugurale de H. Labroue, on peut citer ici quelques passages significatifs où le «professeur» affirme notamment que les juifs constituent «une sous-race métissée par les races arménoïde et araboïde». Ce métissage étant, selon lui, à l'origine d'un faciès particulier: «Un nez d'ordinaire fortement convexe, des lèvres charnues dont l'inférieure est souvent proéminente (résidu probable des facteurs négroïdes), des yeux peu enfoncés dans les orbites avec ... quelque chose d'humide et de marécageux, et un rétrécissement de la fente des paupières où l'on peut voir une connexion mongoloïde». Et H. Labroue d'ajouter au «masque juif» qu'il vient de détailler d'autres caractères, selon lui moins fréquents et moins marqués mais toutefois notables: «Cheveux crépe- lés, qu'on peut rattacher à l'ascendance négroïde ; oreille grande, charnue, décollée; épaules légèrement voûtées; pieds plats ; un certain prognathisme ; une faible musculature du mollet, s'expliquant soit par un résidu négroïde, soit par l'état social citadin ; des doigts potelés avec poignée de main moelleuse et fondante; empreintes digitales d'un type spécial; odeur particulière traduisant peut-être les anciennes accointances négroïdes ; prédominance du sang B...»2.

Face à une telle accumulation de stupidités proférées dans la vénérable enceinte de la Sorbonne et dont nous n'avons donné ici qu'un très faible aperçu, l'émotion de l'auditoire, on le conçoit aisément, fut des plus grandes. D'autant que les responsables universitaires, loin d'approuver la création d'une chaire d'« Histoire du judaïsme» de ce type, pour laquelle d'ailleurs, contrairement à l'usage, ils n'avaient nullement été consultés, avaient au contraire d'emblée tenu à prendre leur distance à l'égard d'une initiative gouvernementale remettant en cause l'autonomie de l'Université. Le 21 novembre 1942, l'Assemblée des professeurs de la Faculté des lettres, présidée par le doyen Vendryès, exprime en effet

1. -L'histoire du judaïsme à la Sorbonne-, La Question juive en France et dans le monde, 7, janvier- février 1943, p. 26-42.


 


 

 

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