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  le blog labrousse.erick par : ERICK

Droit et Devoir de Mémoire deuxième guerre mondiale 1940 1945 LUTTER CONTRE LA RÉHABILITATION DE VICHY OU DE SON ADMINISTRATION DE L ÉTAT FRANÇAIS

Le retour de Rebatet en rayon grace a l' ADEME

Retour de Rebatet en rayon

Lucien Romain Rebatet (15 novembre 1903Moras-en-ValloireDrôme – 24 août 1972,) est un écrivainjournaliste et critique musical et cinématographique français qui se réclamait du fascisme.

Fils de Pierre Rebatet, notaire, et de Jeanne Tampucci (petite-fille du poète Hippolyte Tampucci), il fréquente le collège mariste de Saint-Chamond (Loire). Après avoir abandonné des études de droit à l'université de Lyon, puis de lettres à la Sorbonne, il entre comme critique musical au journal nationaliste et monarchiste L'Action française en avril 1929, malgré un profond mépris pour le camp de la « Réaction », où il écrit sous le pseudonyme de François Vinteuil, puis de François Vinneuil. Le 30 avril 1932, il devient journaliste à Je suis partout, où son style et ses convictions vont s'affirmer.

Il signe des articles comme « Le Cinéma par ceux qui le font », « Les Étrangers en France. L'invasion », « Les Émigrés politiques en France ». Il accueille avec enthousiasme la parution du pamphlet ouvertement antisémite de CélineBagatelles pour un massacre. Rebatet se révèle en effet un antisémitevirulent. Outre les juifs, il attaque avec férocité le communisme, la démocratie, l'Église et, après des enquêtes en Allemagne et en Italie, se proclame fasciste.

Mobilisé en janvier 1940, Lucien Rebatet est libéré le 15 juillet 1940 et rejoint Vichy où il travaille à la radio. De retour à Paris, après un passage au journal Le Cri du peuple de Jacques Doriot, il revient à Je suis partout. Il signe « Les Tribus du cinéma et du théâtre » et « Le Bolchévisme contre la civilisation ».

En 1942, il publie Les Décombres, où il désigne les Juifs, les politiques et les militaires comme responsables de la débâcle de 1940 — sans pour autant épargner les autorités de Vichy. Il y explique que la seule issue pour la France est de s'engager à fond dans la Collaboration avec l'Allemagne nazie. Ce pamphlet est tiré à quelque 65 000 exemplaires sous l'Occupation, et le livre est désigné comme « livre de l'année » par Radio Paris.

À la suite d'un mandat d'arrêt lancé par le juge Zousmann, chargé de l'instruction, Lucien Rebatet est arrêté à Feldkirch le 8 mai 1945, il est jugé le18 novembre 1946 en même temps que deux collaborateurs de Je suis partoutClaude Jeantet et Pierre-Antoine Cousteau : « la Justice ne souhaite pas seulement juger un homme. Elle a une ambition plus vaste : juger Je suis partout et, à travers lui la presse collaborationniste1 ». Rebatet et Cousteau sont condamnés à mort, Jeantet aux travaux forcés. Tous trois sont frappés d'indignité nationale. La société « Je suis partout » est dissoute et ses biens sont confisqués.

Le 10 avril 1947, après l'élection de Vincent Auriol à la présidence de la République, la condamnation à mort de Lucien Rebatet et de Pierre-Antoine Cousteau est commuée en peine de travaux forcés à perpétuité, après cent quarante et un jours de chaînes. Sur le mur de sa cellule, Rebatet grave cette citation tirée du roman deStendhal,  : « Je ne vois que la condamnation à mort qui distingue un homme. C'est la seule chose qui ne s'achète pas. » Il sera finalement gracié. Dans Dialogue de vaincus cosigné avec Pierre-Antoine Cousteau en 1950 à la prison de Clairvaux, il relate, dans un dialogue avec son codétenu qui prend la forme de confessions, le sens de leurs engagements, leurs désillusions et leurs visions de l'avenir2.

Détenu à Clairvaux, il achève en prison un roman commencé à Sigmaringen : Les Deux Étendards, publié par Gallimard. Cette œuvre, considérée par certains comme de grande qualité3, sera en grande partie ignorée par la critique, même après sa réimpression en 1991.

Libéré le 16 juillet 1952 et d'abord assigné à résidence, Lucien Rebatet revient à Paris en 1954. Un autre roman, Les Épis mûrs, est plutôt bien accueilli. Le roman suivant, Margot l'enragée, demeurera inédit, l'auteur en étant peu satisfait.

Le Rouge et le NoirIl reprend alors son activité de journaliste. En 1958, on le retrouve à Rivarol. En 1965, à l'élection présidentielle, contre Charles de Gaulle, il soutient au premier tour Jean-Louis Tixier-Vignancour, puis, au second, François Mitterrand. Ce choix est dû à un antigaullisme intact, mais aussi à sa fidélité à l'idéal européen. Rebatet est désormais prêt à transiger avec la démocratie, seule capable selon lui d'unifier l'Europe après la défaite du fascisme. Il est ensuite rédacteur à Valeurs actuelles. Jusqu'au bout, il restera fidèle au fascisme, bien qu'il soutienne de moins en moins l'antisémitisme, en raison de la législation en vigueur — le décret-loi Marchandeau du 21 avril 1939, interdisant la provocation à la haine raciale, a été rétabli en 1944 —, mais aussi par une modification de son regard sur les juifs : s'il ne renie rien de ses attaques antisémites d'avant 1945, il ne peut s'empêcher de porter un regard mitigé sur la nouvelle nation israélienne, en guerre contre les Arabes. Il affirme ainsi en 1969 « savourer le paradoxe historique qui a conduit les juifs d'Israël à défendre toutes les valeurs patriotiques, morales, militaires qu'ils ont le plus violemment combattues durant un siècle dans leur pays d'adoption. »


 

Son dernier article, publié le 28 juillet 1944, s'intitule « Fidélité au national-socialisme ». Mais le vent a tourné, et Rebatet fuit vers l'Allemagne. On le retrouve à l'automne en présence de Louis-Ferdinand Céline, exilé comme tant d'autres collaborateurs à Sigmaringen (où d'anciens membres du gouvernement de Vichy créent un gouvernement en exil qui tiendra jusqu'en avril 1945)

 

 

Un parfait salaud peut-il être également un bon écrivain et, le cas échéant, peut-on séparer certains de ses livres de l’homme qu’il fut ? Plus d’un demi-siècle que l’on se pose cette question à double entrée qui a le don de susciter des débats âpres sinon violents. Louis-Ferdinand Céline en est systématiquement l’antihéros, comme s’il avait le double monopole de l’ignominie et du génie littéraire. Il en est quelques autres pourtant. Un roman est discrètement reparu le 24 avril, qui était indisponible depuis quinze ans : Les Deux étendards de Lucien Rebatet(1903-1972). La simple évocation de son nom entraîne le plus souvent le dégoût associé à son pamphlet Les Décombres, best-seller sous l’Occupation. De quoi éclipser et discréditer le reste de son oeuvre, notamment une Histoire de la musique régulièrement citée en référence et ce fameux Deux étendards, vaste et puissante fresque romanesque sur l’amour mystique d’un prêtre et d’une jeune femme (« le christianisme vécu comme une drogue ») inspirée par un ami de jeunesse de l’auteur,le jésuite Lyonais François Varillon

Jean Paulhan, l’un de ceux qui avaient leurs papiers en règle à la Libération, est à l’origine de la parution de ce livre en 1952 chez Gallimard. C’était gonflé, voire risqué, à l’époque : l'auteur avait commencé à écrire son roman en cavale à Sigmaringen puis en prison à Clairvaux où il purgeait une peine de travaux forcés à perpétuité, sa condamnation à mort ayant fait l'objet d'une mesure de grâce ; nul doute que, à la veille de l'amnistie présidentielle pour les anciens collabos, cette publication devait accélérer le processus de la libération de la plume vedette de Je suis partout cette année là en juillet. Après une note de lecture enthousiaste de Dominique Aury, Paulhan l'avait imposée au nom de la liberté de l’esprit propre à la fiction. Il n’y a en effet rien de fasciste, d’antisémite ni de négationniste dans ce texte, bien que l’auteur n’ait rien vraiment renié de ses opinions jusqu’à sa mort. L'indispensable Geoges Steiner , l’un de nos meilleurs critiques et un lecteur hors pair, se souvient avoir remarqué ce roman en son temps grâce à un article laudateur d’Albert Camus, et l’avoir lu aussitôt : « Dès la première page, j’ai su que c’était une œuvre de génie et que la création de la jeune femme Anne est comparable à du Tolstoï. Un livre trop long et trop didactique mais avec des parties époustouflantes d’amour et d’humanité. Or Rebatet est aussi l’homme des Décombres, un vrai tueur, le dernier des salauds ». Et Steiner, citant dans la foulée Morand qu’il exècre, Montherlant qu’il admire et Pierre Boutang dont il était l’ami, de déplorer « cette injustice kafkaïenne : pourquoi Dieu a-t-il donné autant de talent à la droite ? ».

      Pascal Ifri, professeur de littérature dans une université du Missouri, qui a consacre un mémoire  au grand roman de Rebatet, parle de « chef d’œuvre maudit ». Même si les deux notions sont à manier avec prudence, il y a de cela. Sa réputation d’introuvable-boycotté-parce-que-tabou a fait abusivement grimpe sa cote  tant sur ebay que chez les bibliophiles et les bouquinistes. Jusqu’à ce qu'un lecteur de "La République des livres", Massis Sirapian, et une de ses amies, deux jeunes amateurs de littérature, découvrant ce pavé juste après A la recherche du temps perdu, se mettent en tête de le rééditer eux-mêmes si les principaux concernés ne s’y mettaient pas. Rien n’est stimulant comme ce genre de menace. Les deux étendardsfigure depuis peu sur les sites de ventes en ligne.

Cette réimpression permettra-t-elle de faire la part des choses ? Le critique littéraire Nicolas d’Estienne d’Orves, qui a succédé à Pierre Darrigand comme ayant-droit, l’a permis en accord avec Gallimard. En 2007, il était temps. On dira qu’il y avait d’autres urgences que de rééditer sous la fameuse couverture blanche un roman de Rebatet de 1500 pages à 50 euros, serait-ce sans tambour ni trompette ; et d’un certain point de vue, on n’aura pas tort. Il n’empêche. C’est aussi à ce genre de détail, et à la manière avec laquelle une société affronte ses vieux démons, qu’on prend la mesure de sa maturité.

 

 

("Lucien Rebatet dédicacant Les Décombres en 1942 à la librairie parisienne

 

insigne vichy2

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