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  le blog labrousse.erick par : ERICK

Droit et Devoir de Mémoire deuxième guerre mondiale 1940 1945 LUTTER CONTRE LA RÉHABILITATION DE VICHY OU DE SON ADMINISTRATION DE L ÉTAT FRANÇAIS

police sous vichy et la répression sous l'heure d''été de 1942

police sous vichy et la répression sous l'heure d''été de 1942
police sous vichy et la répression sous l'heure d''été de 1942
police sous vichy et la répression sous l'heure d''été de 1942
police sous vichy et la répression sous l'heure d''été de 1942
police sous vichy et la répression sous l'heure d''été de 1942

En septembre 1942, après l'intervention d'un G.M.R. dans le bassin minier du nord les Allemands (autorités d'occupation) autorisèrent la création de six, puis de dix-sept Groupes en zone Nord sauf dans les provinces d'ALSACE et de LORRAINE, considérées comme territoire Allemand.

En contrepartie, les Polices françaises et allemandes devaient coopérer au plus haut niveau en se communiquant les instructions données et les mesures prises. , ceux qui avaient dû leur fortune administrative au voisinage d’un hiérarque de la Troisième République, socialiste, radical ou « belliciste », donc ennemi déclaré du régime nouveau : Verlomme, ancien directeur du cabinet de Marx Dormoy et ancien directeur du personnel du ministère, Berthoin, son successeur à ces deux fonctions auprès d’Albert Sarraut, Bollaert, préfet du Rhône et homme-lige d’Herriot, eurent droit à des vacances forcées, les deux premiers en étant reclassés, respectivement comme directeur de l’hôpital Sainte-Anne et comme trésorier-payeur-général de l’Isère, le dernier par juilletisation, à l’âge de 50 ans. Il y eut aussi de très jeunes retraités, tel Roger Genebrier – qui cumula en quelques années deux records en sens contraire : plus jeune préfet en exercice au printemps 1938 (âgé de 37 ans il était alors chef de cabinet de Daladier), il fut peu après un des plus jeunes retraités de France, à l’automne 1940.

Deux générations se partagèrent les dépouilles. Le terme « génération » est d’ailleurs sans doute excessif, s’agissant d’hommes dont les dates de naissance s’étalent sur à peine plus de vingt ans. Pourtant, entre un homme né en 1895 – qui connaîtra les tranchées, la victoire, la reconstruction, servant souvent dans les territoires recouvrés d’Alsace-Lorraine – et celui qui, de dix ans son cadet seulement, servira surtout un État en crise, la différence est profonde. Ce sont ces derniers que l’État français placera aux postes de commande, surtout après le retour de Laval aux affaires, au printemps 1942. Sans s’arrêter aux cas extrêmes de ces préfets de quelques semaines de l’été 1944, qu’attendaient les balles des résistants ou celles du poteau d’exécution, les principales personnalités de l’administration préfectorale et policière avaient noms Ingrand, qui fut durant toute l’Occupation en titre délégué du ministre de l’Intérieur dans les territoires occupés, et en fait quasi substitut dudit ministre, et qui n’avait que 35 ans lors de sa nomination, Bousquet, né en 1909, ou Demange, nommé en août 1940, à 34 ans, directeur du personnel du ministère de l’Intérieur, et six mois plus tard directeur du cabinet du ministre.



 

Ces jeunes hommes voisinaient avec une génération plus aguerrie par des années au service de l’administration préfectorale de la République : un des doyens en était Angéli, né en 1883, préfet puis préfet régional à Lyon jusqu’à février 1944, qui se caractérisa par son souci de l’ordre et de la répression, notamment antisémite. Né en 1886, Amédée Bussière, qui sera préfet de police lors de la rafle du Vél d’Hiv, avait gagné ses galons préfectoraux sous la République : préfet de l’Oise depuis 1934, il n’avait eu qu’à se féliciter de l’arrivée au pouvoir du Front populaire, qui fit du député radical de ce département, Raoul Aubaud, notoirement maçon, un sous-secrétaire d’État à l’Intérieur. Lemoine, de deux ans son cadet, qui sera en 1944 secrétaire d’État à l’Intérieur quand Darnand sera le véritable chef du ministère, avait déjà occupé six postes de préfet depuis son accession à ce grade, en 1930. Doyens du corps préfectoral de la République utilisé par Vichy, ces figures n’en constituaient pas la majorité. Environ les deux tiers des hommes qui furent durablement préfets sous l’Occupation étaient nés dans la dernière décennie du dix-neuvième siècle, de sorte qu’on ne saurait les évoquer tous : parmi bien d’autres, des hommes aussi nécessaires au régime que Sabatier, secrétaire général pour l’administration puis préfet régional à Bordeaux, Rivalland, contrôleur général des armées devenu secrétaire général à la police à l’automne 1941 puis préfet régional à Marseille jusqu’au début de 1943, ou encore Chéneaux de Leyritz, en poste à Toulouse de la défaite jusqu’au début de 1944, en étaient tous trois issus.
des hommes neufs
Entendant citer le nom des hommes cités plus haut, n’importe quel membre de la préfectorale d’alors les aurait, presque instinctivement, classés en deux catégories : ceux issus de la carrière, pour emprunter un terme au Quai d’Orsay (modifié Hôtel du Parc) et les autres. Car là fut la principale novation de Vichy en terme de politique du personnel. Dès le premier grand mouvement préfectoral du régime, intervenu le 17 septembre 1940, le tout nouveau ministre de l’Intérieur, Marcel Peyrouton, fit montre de ce qu’il nommerait, peu après,
la volonté de ‹ régénération › du gouvernement », ainsi décrite : « Révocations, mises à la retraite, choix dans d’autres catégories de fonctionnaires, voilà la marque d’un programme de force et d’action dont ne peuvent que bénéficier l’ordre et la discipline d’État.
Peyrouton légitimait ces vastes purges par un syllogisme fort prisé alors. Majeure : La politique nuit au pays (« La politique avait profondément pénétré dans les cadres administratifs du pays, en en paralysant l’action ») ; mineure : les préfets d’hier faisaient de la politique (ils étaient devenus de véritables « professionnels de l’élection ») ; conclusion : les préfets d’hier n’avaient plus leur place dans l’État d’aujourd’hui.



 

Un bilan, tiré un an après l’instauration du régime, soulignait l’ampleur du renouvelle-ment : 82 postes sur 87 étaient occupés par de nouveaux titulaires, tandis que 80 anciens préfets étaient sortis des cadres – dont 33 par mise à la retraite anticipée et 40 par application de la loi du 17 juillet 1940. La régénération promise se traduisait par l’entrée dans la carrière préfectorale de 23 nouveaux venus, issus pour la plupart d’entre eux d’autres secteurs de l’administration. Vichy constitua là encore, comme le rappelle L. Rouban, un entre-deux. Le rythme de recours au vivier de la haute fonction publique s’y accrut en effet sensiblement, atteignant le taux de 39,7 % alors qu’il n’était que de 28,6 % sous la Troisième République. Les Quatrième et Cinquième République institutionnaliseront le processus (qui atteignit respectivement le niveau de 46,2 % et 44,3 %). Moins blasés à ce phénomène que nous ne le sommes devenus, les membres de l’administration préfectorale de l’État français trouvèrent le chiffre élevé – environ un quart des postes de préfet – d’autant que les nouveaux venus se voyaient parfois confier des places majeures. On a déjà cité, au sommet de la hiérarchie, Rivalland à Vichy et Ingrand à Paris, et Chéneaux de Leyritz, issu du Conseil d’État, à Toulouse, mais il y eut aussi, parmi bien d’autres, l’amiral Bard à la Préfecture de police, l’inspecteur des Finances Donati à Chartres puis à Dijon, les ingénieurs des Ponts et Chaussées Surleau à Marseille et Morane à Orléans, l’administrateur colonial Pierre-Alype à Bordeaux, l’universitaire Bonnafous à Constantine puis à Marseille. Deux groupes se taillaient la part du lion : les militaires d’une part, très présents, on le sait, dans les allées du pouvoir vichyssois, notamment les marins lorsque Darlan tint les rênes ; les grands corps de l’État d’autre part, « restés par tradition à l’écart des jeux de la politique » à en croire Peyrouton et parmi eux le Conseil d’État plus que l’inspection des Finances – dont nombre de représentants avaient choisi le confort financier que leur offraient les emplois du secteur privé, avec lesquels ne pouvaient pas rivaliser les émoluments, même améliorés, d’un préfet.



 

Qu’en était-il des nominations politiques ? En suivant toujours la perspective de Luc Rouban, on constata certes un accroissement non négligeable du nombre de nominations de ce type après l’avènement de l’État français (17,5 % sous Vichy contre 10 % sous la Troisième République). Malgré cette hausse, le recours au vivier politique restait mesuré par rapport aux périodes de crise politique aiguë : 80 % des préfets de Gambetta étaient des politiques, et 43 % des préfets nommés par les gouvernements provisoires aux affaires entre 1944 et 1947 ne provenaient pas de la carrière préfectorale, le chiffre étant plus massif encore pour les premiers préfets de la Libération : les choix faits alors par Michel Debré s’étaient pour l’essentiel portés sur des figures de la Résistance dans les départements, situation en général peu compatible avec l’exercice de fonctions préfectorales.



 

Il ne s’agissait là que de l’exception qui confirme la règle. La fonction préfectorale s’était effectivement institutionnalisée au cours des années trente ; de cette tendance longue, Vichy influa le cours, il ne le bouleversa pas. Parmi les innovations auxquelles recourut l’État français, on peut évoquer la nomination dans les rangs du corps préfectoral d’anciens parlementaires. Le chiffre en est peu significatif en chiffres absolus (au total 3,5 % des emplois de préfets de la période furent occupés par des élus d’avant-guerre). Le phénomène est plus net quand on constate qu’il pouvait s’agir de postes élevés dans la hiérarchie des fonctions préfectorales : ainsi de Parmentier, ancien député du Nord devenu préfet puis préfet régional à Rouen, et promu de là, en janvier 1943, au poste essentiel de directeur général de la police nationale, bras droit de Bousquet donc, et finalement secrétaire général du ministère de l’Intérieur en juin 1944. Mais comment justifier la nomination d’anciens députés, ces professionnels de la politique d’hier, comme préfets ?
Ce paradoxe apparent fut résolu, de manière générale, par les penseurs et les propagandistes du régime grâce à la distinction radicale entre régime démocratique et régime autoritaire : au sein du premier, la politique est facteur de division, les partis s’entre-déchirant pour accéder au pouvoir. En régime autoritaire au contraire, le pouvoir venant du haut, la politique est facteur d’unité : la politisation du pays, qui se traduit notamment par le fait que toute fonction publique est désormais conçue comme politique traduit l’union de la communauté autour de son chef. Absolument ralliés au régime nouveau, quelques élus d’hier, choisis avec soin dans l’oppo-sition aux derniers gouvernements de la Troisième République, pouvaient être de bons servi-teurs et de bons relais de l’État nouveau. Ingrand voyait en Quenette, préfet régional en poste à Saint-Quentin, un « esprit clair, au tempérament énergique, [qui] a fait d’excellents débuts dans l’administration », et Chéneaux de Leyritz était dithyrambique sur l’ancien député modéré de l’Aveyron François-Martin, devenu préfet de Tarn-et-Garonne :
D’une valeur intellectuelle très au-dessus de la moyenne et d’une valeur professionnelle exceptionnelle, malgré son expérience encore peu étendue dans l’administration préfectorale. […] L’un des meilleurs préfets de France, entièrement acquis au régime nouveau, et qui a réussi avec beaucoup de tact, de finesse et d’intelligente activité, à se concilier les sympathies de tous les milieux, même ceux que sa position politique d’autrefois avait un peu prévenus contre lui
la compétence contre la faveur
Que le régime ait ainsi su reconnaître les compétences jusque dans les rangs du Parlement souligne son réel pragmatisme, en même temps que le décalage entre les ambitions qu’il affichait et les réalités auxquelles il devait se soumettre. Il en alla de même des conditions de choix des hauts fonctionnaires. « Sans autre considération que celle de leurs capacités et de leurs mérites », avait déclaré dans un message au pays le maréchal Pétain, le jour où il s’octroyait les pleins pouvoirs législatifs et exécutifs, et l’on vit même une loi, le statut des fonctionnaires du 14 septembre 1941, menacer de sanction tout agent public qui aurait sollicité une recomman-dation en sa faveur.
Dès juillet 1940 pourtant, comme le notait dans son journal le président du Sénat Jeanneney, « la foire aux emplois [était] ouverte », selon des critères non exclusivement professionnels. Et un an plus tard, les interventions en faveur de tel ou tel sous-préfet désireux d’obtenir une préfecture n’avaient pas disparu. Elles avaient simplement changé d’origine. Les parlementaires étaient moins nombreux et les francs-maçons, dont on ne mesure toujours pas bien l’influence, étaient en tout cas plus discrets, ne parsemant plus des classiques « \ » les courriers qu’ils adressaient aux ministres d’un régime officiellement anti-maçon. Mais entre les notables ralliés au régime, par exemple ceux issus du radicalisme d’affaires, les nouveaux hommes de plume et de presse et les milieux extrémistes désormais bien en cour, les appuis potentiels ne manquaient pas. Et comment empêcher un jeune homme d’avoir un beau-père influent ? Martin-Sané, gendre du général Huntziger, secrétaire d’État à la Guerre, devint préfet délégué à Orléans à 34 ans, et la disgrâce de Schmidt, préfet régional à Nancy, suivit de peu celle du garde des Sceaux Joseph Barthélemy, dont il avait épousé la fille. Pucheu, secrétaire d’État à l’Intérieur entre juillet 1941 et avril 1942, avait d’ailleurs demandé aux membres du gouvernement de s’intéresser, lors de leurs déplacements hors de la capitale provisoire, aux membre du corps préfectoral, afin de lui faire connaître les individualités capables de faire de bons préfets. Encore fallait-il – c’est toute la difficulté de l’exercice – savoir doser ses appuis, et la chose n’était pas simple dans un régime aussi politiquement mouvant que le fut l’État français.
***
Jusqu’au retour de Laval au pouvoir, deux logiques coexistaient qui permettaient de faire carrière dans l’administration préfectorale de l’État français, empruntées d’ailleurs au fonctionnement du corps sous la Troisième République : une logique politique et une logique administrative. Le propre de Laval ne fut pas marqué, comme l’ont répété ses thuriféraires, par une retour à la République, mais au contraire par une politisation de l’administration – ou, le lecteur nous pardonnera le barbarisme, par une « administrativisation » de la politique – en fusionnant ces deux logiques.
Choisir le sillage d’un homme politique, et s’y maintenir, était une des voies classiques de l’avancement dans le corps préfectoral de la Troisième République. Jean Zay déplorait ainsi, ayant eu à en supporter lui-même les conséquences au ministère de l’Éducation nationale, le fait que
la carrière des préfets [fût] livrée au hasard, tout chef de cabinet sans diplôme – ou presque – devant normalement finir préfet, pour peu qu’il eût quelque entregent et un peu de protection parlementaire.
Malgré les proclamations officielles, l’ordre nouveau fut en la matière assez classique – et même un peu plus. Les résultats établis par Luc Rouban permettent de voir dans les années Vichy une étape importante de cette forme de politisation des carrières qu’est le passage par un cabinet de ministre, la proportion de préfets nommés dans ces conditions sautant de 5,9 % sous la Troisième République à 13,1 %
Ainsi les ministres de l’Intérieur qui se succédèrent lors de la première année du régime offrirent-ils des préfectures à ceux de leurs proches qu’ils entendaient récompenser : Bonnafous, directeur du cabinet de Marquet, passa du grade de maître de conférences à celui de préfet de première classe, Berger, fidèle de Peyrouton qu’il avait connu en Tunisie, devint préfet alors qu’il n’était qu’inspecteur de l’enregistrement, et Darlan fit bénéficier de la même promotion le sien, le capitaine de vaisseau Tracou – le moins gradé des officiers de marine qu’il fit entrer dans l’administration préfectorale. Pucheu n’usa pratiquement pas de cette faculté, mais son passage à la tête du ministère de l’Intérieur, à un moment crucial de l’histoire du régime (entre juillet 1941 et avril 1942), n’en reste pas moins marqué par la tentative la plus franche de politisation du corps. Quelques nominations en témoignent : proche de la Cagoule, le sous-préfet de Pontoise Le Baube devint en novembre 1941 préfet d’Eure-et-Loir, tandis que des hommes qui, comme le ministre, avaient fréquenté le PPF se virent offrir des postes non seulement dans les services de police politique, antisémite ou anti-maçonnique, mais aussi dans la préfectorale tel Martin-Sané, déjà cité, à Orléans.
Par rapport au clientélisme politique tel qu’il se pratiquait sous la Troisième République, le dispositif vichyssois connaissait toutefois des variantes importantes, découlant de la répartition du pouvoir en vigueur. Bien que pas tout à fait absents, comme on l’a vu, parlementaires et anciens ministres étaient pour une large part hors du jeu. Deux partenaires jusque là hors jeu se virent reconnaître une capacité d’influence, à commencer par les Allemands, en théorie seulement pour ce qui concernait les nominations en zone occupée. Par ailleurs, dans ce régime autoritaire, le chef de l’État – qui était au demeurant également le président du Conseil en titre – ne comptait plus pour quantité négligeable. Dans les faits, le maréchal Pétain et son entourage exercèrent surtout un pouvoir négatif, qui était de réaction plus que de proposition. Face à une décision soumise à la signature du maréchal Pétain, son cabinet civil pouvait s’informer (pourquoi démettre de ses fonctions de préfet de la Meuse Jacques Simon, ancien directeur des renseignements généraux de la préfecture de police ?), refuser – par exemple, en mai 1942, le retour en grâce de Billecard, préfet de Seine-et-Oise sous le Front populaire, dans un département important– le plus souvent se résigner[49]. Parce qu’ils avaient des fichiers mieux tenus les services administratifs du MBF étaient pour leur part en mesure, dans leur négociation avec les services d’Ingrand, de récuser pour des raisons politiques la nomination de tel ou tel fonctionnaire préfectoral. Ce n’est qu’au cours des derniers mois du régime, et tout particulièrement après les grandes purges des services publics qu’ils avaient exigées à la fin de 1943, qu’ils obtinrent la nomination ou la promotion de préfets connus pour leur ultra-collaborationnisme, en même temps qu’ils voyaient police et propagande confiées à la Milice. Mais même avant cette époque, les occupants avaient établi des listes des membres du corps préfectoral, classés selon la confiance qu’ils estimaient pouvoir mettre en eux, à partir notamment de ce qu’ils percevaient de leur adhésion à la politique de collaboration
Mais les Allemands avaient aussi besoin de pouvoir compter sur des administrateurs compétents, surtout dans le domaine, qui prit de plus en plus d’importance à mesure que les mois passaient, du maintien de l’ordre. D’une part les nominations dans la police et la gendarmerie devaient faire l’objet d’une surveillance toute particulière des autorités d’occupation, indépendamment du grade du fonctionnaire en cause. D’autre part, pour toute nomination supérieure dans l’administration préfectorale – préfets régionaux, préfets, préfets délégués, intendants de police – ainsi que pour celle des délégués généraux à la propagande, les services locaux de la police allemande (SiPo et SD) devaient être consultés A fortiori en allait-il de même dans les fonctions supérieures de ces domaines, qui firent l’objet d’un processus continu de différenciation et de professionnalisation, conduisant à l’apparition et à la valorisation d’une véritable spécialité policière dans le corps. À côté des filières nobles de promotion permises par un passage au cabinet du ministre, au secrétariat général du ministère ou à la direction du personnel, être considéré comme un bon professionnel du maintien de l’ordre permettait aussi de gagner plus vite ses galons de préfet.
Avec l’étatisation au printemps 1941 des polices jusque là municipales, le secrétaire général à la police était en effet devenu une personnalité de premier plan, plus encore que le directeur général de la Sûreté auquel il succédait. Les hommes qui avaient acquis sa confiance, notamment ceux qui le représentaient en territoire occupé, firent de très belles carrières, tels les préfets Leguay, Cado et Caumont. Dans ce régime qui voulait faire de la compétence la clé de voûte de son dispositif de promotion des cadres administratifs, la technicité payait d’autant plus que l’intervention politique était, en théorie, interdite. En tout temps recherchée, la fonction de secrétaire d’une direction devenait particulièrement prometteuse : offerte à de jeunes hommes remarqués par un des « grands » directeurs du ministère, elle leur permettait de faire leurs armes dans l’ombre bienveillante d’un patron, de connaître les détours du sérail, d’y apprendre le métier, de faire la preuve aussi de leur sens de la diplomatie. Qui plus est, lorsque vint le temps des comptes, les intéressés, dont l’authenticité des quartiers de résistance était des plus variables, surent insister sur ce que le mot de « secrétaire » impliquait de modeste, d’obscur et de sans-grade. Si nombre des grands – et moins grands – préfets des Quatrième et Cinquième République suivirent sans encombre ce cheminement, certains de leurs anciens collègues, trop pressés, s’y brûlèrent les ailes : passant trop rapidement du rang de brillant second à celui de précoce premier, ils virent leur carrière d’abord météoriquement accélérée, puis, à la Libération, brutalement interrompue.
Le cas de Georges Hilaire est à cet égard exemplaire. Couvert d’éloges par son préfet entre 1936 et 1939, alors qu’il est sous-préfet de Pontoise – ainsi en 1938 lorsque
sa culture, son sens moral, son autorité, sa connaissance des hommes et des réalités administratives, son dévouement au bien public, son amour de sa fonction [le] recommandent pour occuper les postes les plus difficiles et les plus délicats
il est nommé préfet de l’Aube en septembre 1940, après un passage éclair au cabinet de Laval à Vichy. Le sous-préfet « excellent, très sincèrement et très nettement démocratique » du temps du Front populaire est noté par le nouveau régime, dans l’Aube, comme « capable de représenter une volonté nouvelle ». Remarqué par Ingrand, il devient son adjoint à la DGTO en novembre 1941, et effectue à ce titre une tournée des préfectures de zone occupée, dont les traces figurent dans les dossiers individuels des préfets ainsi inspectés. De numéro deux à Paris, il est promu numéro un à Vichy, en accédant à 41 ans au poste de secrétaire général pour l’administration du ministère de l’Intérieur. Voici la suite, vue par la commission d’épuration :
Déjà à Paris, comme adjoint au représentant du ministre de l’Intérieur dans les territoires occupés, il avait servi avec fidélité le gouvernement de fait. Il n’a pas modifié cette tendance à Vichy, au contraire, où il était considéré comme l’homme lige de Laval et mêlé activement à toutes ses tractations. Il a préparé tous les mouvements administratifs, écartant tous les fonctionnaires non conformistes. Il a lui-même bénéficié largement des faveurs de ce régime, ayant parcouru en trois ans le cycle de la carrière préfectorale ; mais au début de 1944, il comprit combien sa position devenait délicate, et à plusieurs reprises essaya de trouver une autre voie. Il devait réussir, en mars 1944, à entrer aux Beaux-Arts, poste de tout repos à l’abri des remous.
Suivant la proposition de la commission qui concluait ce réquisitoire, Adrien Tixier, ministre de l’Intérieur du gouvernement provisoire, révoqua sans pension Georges Hilaire, qui s’était réfugié en Suisse. L’histoire ne s’arrête pas tout à fait là, puisque la mesure prise en 1944 à l’encontre d’Hilaire fut annulée quatorze ans plus tard par le Conseil d’État qui, considérant que
M. Hilaire s’est efforcé de protéger les membres du corps préfectoral atteints par les lois d’exception ou menacés par les autorités allemandes, qu’il a mis fin aux tournées de propagande effectuées en Algérie par des représentants des groupements de collaboration et qu’on ne peut lui reprocher d’autre part d’avoir été à l’origine du choix de certains préfets, intendants de police ou sous-préfets indésirables,
ordonna sa réintégration dans les cadres à compter du 6 décembre 1944
Sur la moyenne durée donc, ceux qui avaient joué la carte technique ne perdirent rien – au moins jusqu’à ce que la notion de crime contre l’humanité ne vienne, bien plus tard, rattraper un tout petit nombre d’entre eux. Il ne saurait être question ici de faire l’histoire de l’épuration du corps préfectoral, qui est un sujet en soi, et moins encore d’entonner l’antienne, rebattue mais tout à fait inexacte, d’une haute fonction publique protégeant les siens au point de les faire échapper à toute épuration. Il est en revanche intéressant de souligner la marge de manœuvre qu’ouvrait la maîtrise des pratiques professionnelles, notamment en matière de gestion du personnel préfectoral. L’analyse des finesses offertes par les outils de gestion permet de suivre au plus près les aspérités du terrain, en complétant le tableau des mesures franches prises par le politique, et plus encore le judiciaire, par celui des péripéties peu visibles hors du milieu professionnel des fonctionnaires mais parfaitement assimilées en son sein : ralentissement des avancements, nominations pour ordre, classes personnelles, positions hors cadres, postes de repli (les fameux « placards »), modalités de reconstitution des carrières le cas échéant en disent beaucoup sur la place occupée par une individualité au sein d’un métier, et mettent en évidence les solidarités de corps susceptibles d’adoucir les mesures les plus brutales. Laval, en bon professionnel de la politique, prit ainsi toujours soin, même lorsqu’il dut laisser la Milice investir le domaine du maintien de l’ordre, de conserver à la tête de la direction du personnel du ministère de l’Intérieur un fonctionnaire de métier, en l’occurrence Louis Pichat, issu du Conseil d’État comme l’était Ingrand.
Si « synthèse Laval » il y eut en matière d’administration intérieure, elle fut moins de retour à la République que de reconnaissance que le métier de préfet se devait d’être politique. Revenant, dans ses souvenirs, sur la position de Laval par rapport au corps préfectoral, Hilaire cite ses propos selon lesquels « il n’y a[vait] vraiment que ce vieux parti radical pour former des administrateurs qui aient un peu de sens politique ». Comme en témoignèrent nombre d’anciens préfets ayant servi entre avril 1942 et la Libération, Laval n’avait pas de sympathie particulière pour leur corporation. Il n’en tint pas moins, par réalisme, à remettre en selle d’anciens préfets de la République, maçons même s’il le fallait, pourvu qu’ils disposent de ce sens politique consubstantiel à leur mission – à charge pour eux non plus d’en faire bénéficier des élus en quête de réélection, mais de rallier les populations au pouvoir, ou à tout le moins de ne pas les laisser trop s’en éloigner. Les circonstances, de plus en plus dramatiques – au point de voir la période se terminer, en certaines régions, par une quasi guerre civile – les empêchèrent de remplir cette mission. Longtemps pourtant, y compris durant l’été 1942, la majorité des préfets crurent à cette mission, car ils partageaient les choix politiques du gouvernement. Comme le souligne là encore Luc Rouban – saluons une fois encore, avec cet emprunt final, tout ce que nous devons à l’exemplaire exercice de sociographie auquel il s’est livré – « la force d’un corps repose sur sa capacité d’adaptation et d’absorption des contraintes suscitées par l’environnement sociopolitique ». Sous Vichy, comme on le verra avec l’étude du travail politique confié aux préfets, cette capacité d’adaptation fut poussée à l’extrême.

Le nouveau recrutement permettrait de se débarrasser des éléments qui ne correspondent plus à l'idéologie de Vichy. Mais l'impopularité des missions confiées, les exigences de mutation, les salaires trop bas ne permettent pas un recrutement espéré. Peu de candidats et beaucoup de démissions.

Lorsque le STO est mis en place et les policiers en étant exemptés, on peut penser que certains jeunes rentrent dans la police pour y échapper ; et les mouvements de résistance de la police en profite également pour faire recruter des jeunes gens qui servent la cause lorsque cela est nécessaire

 

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